Française… ou comment une dizaine de petites lettres datant de 1878 m’ont sauvée…

Il y a quelques années, la perte de ma carte nationale d’identité  a été le début d’un long travail pour obtenir seulement le droit de la faire refaire. Je devais partir à l’étranger quelques mois plus tard et bien m’a pris d’anticiper sur ce qui ne me semblait alors qu’une simple formalité.

Comme tous les Français nés en dehors de la métrople, j’avais demandé à Nantes un extrait d’acte de naissance. Quel étonnement d’apprendre par le TGI de ma commune que cela n’était pas suffisant. Commence alors un ballet de courriers et appels téléphoniques sans que rien ne fasse avancer ma situation. Je suis née en Algérie, mes parents aussi, nous portons un nom à consonance étrangère alors nous tombons sous le joug des lois Pasqua qui ont durci la situation pour les étrangers.

Situation ubuesque puisqu’à ce moment là j’étais fonctionnaire d’état depuis 20 ans et que mon père l’avait été pendant 37 ans. Croyez-vous que cela ait suffi à une greffière zélée ? Et bien non. Peut-être étions-nous d’affreux étrangers cachés au sein de l’administration française ?

Et puis un beau jour (beau est une plaisanterie car dans ces cas là, vous ne trouvez pas du tout ce jour très beau !), je reçois un appel du TGI : le seul moyen pour  prouver que vous êtes française est de nous démontrer de manière irréfutable que vous êtes juive…

J’avoue que là, j’ai eu un blanc. Prouver que je suis juive ? Mais c’est quoi être juif ? Et comment prouver une chose pareille ? Faut-il montrer un certificat de bonne conduite religieuse d’un quelconque rabin ? Faut-il fournir des tests génétiques qui prouverait… Qui prouverait quoi au fait ? Que je sache, il n’existe pas de gène juif.

Devant ma perplexité, on me répondit tout simplement qu’il fallait fournir un document officiel prouvant cette origine. C’est mon père qui m’a sauvée de ce galimatias nauséabond. Il s’est brusquement souvenu que, sur l’acte de naissance de son père, son grand-père avait signé en hébreu comme le faisaient la plupart des juifs d’Algérie au XIXème siècle puisqu’ils ne savaient ni lire ni écrire mais avaient appris quelques rudiments d’hébreu pour lire la Torah…

Voilà ! Comment la signature d’un arrière grand-père et un Décret datant de 1870, dont je n’avais jusqu’alors jamais entendu parler, m’ont permis de récupérer une carte d’identité française et par la même occasion de ne pas me retrouver  paria de la grande Fonction Publique de l’Etat français…

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5 réflexions sur “Française… ou comment une dizaine de petites lettres datant de 1878 m’ont sauvée…

    1. Oui, tous les juifs algériens sont devenus français en 1870 par le décret Crémieux. Pour cette greffière, prouver que j’étais juive d’Algérie, c’était donc prouver que j’étais française. Ceci dit, les juifs n’avaient pas tous envie de devenir français parce que ça signifiait la disparition du droit mosaïque, des tribunaux rabbiniques,… Ceci dit, les actes civils concernant les juifs après 1870 continuaient à préciser israëlite indigène. Ceci dit, le gouverneur d’Algérie a annulé le décret Crémieux pendant la 2eme guerre mondiale…Merci de votre intérêt.

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  1. Hallucinant !! mais plus rien ne m’étonne. Je me suis retrouvée dans un cas similaire. Jeune mariée, j’ai voulu changer ma carte d’identité et pour cela j’ai du prouver la nationalité française de mon mari né en Algérie et dont la carte était périmée. doc à Nantes, TGI… une fois la preuve faite, j’ai pu demander ma carte !! et bien non. Il me fallait prouver MA nationalité française. Pourquoi ? Parce que j’aurai pu prendre celle de mon mari… Mais puisque je viens de vous prouver qu’il était Français…
    Née à Paris 18e, 2 heures après je suis revenue avec mon extrait de naissance… A la mairie de Paris comme au Commissariat d’Aubervilliers, on m’a dit que j’étais pas raisonnable et pour cause. J’étais à 1 mois d’accoucher.

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